Les ombres mortes

mardi 27 juillet 2010


Christian Roux est un adepte des personnages à la marge, un peu solitaires et éclopés, des individus marqués par un malaise : celui de la société dans laquelle ils survivent. Les ombres mortes ne déroge pas à ce constat.

Geoffrey l’amnésique et son pote Tom qui n’aiment ni le foot ni les belles voitures ; la copine Suzie qui dit « au fond, nous le chômage on s’en fout. De travailler ça nous manque pas ! « Ils » cherchent à faire croire que le problème est là mais macache ! Le seul problème, c’est la pépette. Je suis pas en manque de mes huit heures derrière ma caisse de supermarché » ; le flic Lancelot, amoureux de Coralie l’Africaine, qui prend conscience de son racisme « il s’était senti américain, comme l’avait proclamé le directeur d’un des journaux les plus représentatifs de la culture démocratique occidentale. Pourtant, quand cinq mille Kurdes avaient péri (...) il ne s’était pas senti kurde. (...) Même s’il en avait honte, même s’il se refusait à l’admettre, Lancelot, sur les rives de son inconscient, se sentait plus proche d’un type blanc, obèse, armé jusqu’aux dents, qui allait à la messe et assistait une bière à la main aux exécutions de condamnés à mort rentransmises à la télé, que d’un type basané, maigre, qui poussait une charrue dans le désert, s’agenouillait quatre fois par jour en direction de la Mecque et regardait, impuissant, une bande de fanatiques lapider une femme impures. (...) Ce jour-là, il avait tout simplement découvert qu’il était raciste : à ses yeux, un Blanc riche méritait moins de mourir qu’un Basané pauvre »... tous se débattent entre leurs convictions et les règles imposées par le monde.

L’histoire de Geoffrey, parti à la recherche de son passé suite au suicide de sa compagne, permet à l’auteur de présenter le combat et les échecs d’un groupe d’amis qui ont essayé de changer les choses. « Un excès de tendresse pour les rêves perdus de deux épaves, voilà ce qu’il y a derrière cette histoire. », comme dit Lars, révolutionnaire sans révolution, avec son pote Max. Un groupe pris dans une affaire politique qui le dépasse, des personnes qu'on a vite fait aujourd'hui d'appeler des terroristes.

Côté flics Lancelot n’est pas mieux loti - qui veut obtenir des papiers pour Coralie au mépris du respect de tout principe - et le commissaire Degrave fait son retour après Braquages, guère en meilleur état, mais définitivement redresseur de torts. Les bombardements en Irak et l'après 11 septembre servent de toile de fond internationale à ce roman, où l'auteur réussit avec justesse à montrer l'engagement et ses risques, toujours à l'aide d'une histoire très habile.

Christian Roux, Les ombres mortes, Rivages/Noir, 7, 50 euros, 247 p.

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