Patrick Bard, Orphelins de sang

lundi 16 août 2010


Ils ne sont pas nombreux, à ma connaissance, les auteurs français à planter leurs histoires hors l’hexagone. Il y a bien eu Jean-Paul Jody avec Stringer, La position du missionnaire et plus récemment La route de Gakona. Là, Patrick Bard choisit l’Amérique du Sud, un continent qu’il explore depuis de nombreuses années, en tant que journaliste et photographe.

Le Guatemala vit une situation politique et sociale abominable. C’est un pays où règne la corruption, la mort et la misère, dans lequel il vaut mieux appeler les pompiers que la police quand on est en danger. Les mayas y côtoient les maras et les militaires assassins passés dans la police. Un passé et un présent explosifs. Un roman pour comprendre un pays. Patrick Bard le fait à merveille, sans verser dans le pathos ou le didactisme. C’est l’histoire d’une adoption, l’histoire d’un mensonge familial, de deux mères, de deux familles, américaine et guatémaltèque. L’une vit la pauvreté et la souffrance physique et morale, l’autre l’opulence à crédit et la douleur psychologique.

Patrick Bard évite de parer ses personnages d’un héroïsme outrancier, comme avec le pompier dont le sens de l’engagement s’éveille – ou de misère larmoyante, comme avec cette mère soutenue par une association de femmes en lutte pour leurs droits (à ne pas être battues, violées, torturées et dépossédées de leurs enfants). Orphelins de sang donne un excellent roman noir qui forme de plus une intrigue bien pensée, les liens se dévoilant petit à petit car comme dans la « vraie vie », si des êtres humains vivent un drame commun, ce n’est pas par hasard.

Patrick Bard, Orphelin de sang, Seuil, 2010, 19 euros 50, 336 p.

L'évangile selon Larry Beinhart

lundi 9 août 2010


Larry Beinhart écrit de bons divertissements doublés d’un fond politique ou social. C’est le cas depuis Reality Show (au cinéma Des hommes d’influence, avec De Niro et Dustin Hoffman qui continue de décortiquer la mafia républicaine), et Le bibliothécaire où il continue de décortiquer la mafia républicaine et le financement des partis (un roman de 2004 intéressant à lire aujourd'hui, au vu de l'actualité politico-financière française).
L’évangile du billet vert s’inscrit dans la même lignée : un homme seul enquête face à une grosse machine, ici la religion et les Evangélistes. Comme le dit Carl Houseman, ex-flic reconverti en privé « Je suis un chrétien qui bosse pour un avocat juif qui oeuvre pour un gosse musulman, dans le but de découvrir qui a réellement tué l’athée. L’Amérique, non ? – Oui, c’est l’Amérique. L’Amérique comme elle devrait être. Seigneur, faites que ça continue comme ça. »

Carl Houseman s’est sauvé de l’alcoolisme et de sa déchéance de flic en trouvant le salut (l’aveuglement) dans la foi. Sa femme Gwen « On est en Amérique, ils n’ont aucune raison de nous mentir. », est encore plus fervente que lui. La religion lui procure la sécurité à tous les niveaux, évitant de se poser des questions (il y a des réponses toutes faites) et offrant le confort d’une communauté qui facilite la vie ensemble. Pourtant, la fissure et le doute vont s’installer. Houseman va enquêter pour la défense d’un musulman emprisonné, point de départ pour lever un lièvre bien plus gros en lien avec cette Cathédrale du Troisième Millénaire et les fanatiques qu’elle rassemble. La trame est un peu grossière quand on met bout à bout un baron de la drogue, des poursuites en voiture, un flic divorcé, une veuve séduisante, un condamné innocent... L’histoire offre ce qu’on attend d’elle avec un trait un peu lourd mais Larry Beinhart a l’intelligence d’équilibrer les scènes, l’intrigue, les personnages, pour ne pas tomber dans tous les clichés. La dose d’humour qu’il apporte est toujours réjouissante, et fait un bon contrepoids à la noirceur du monde décrit, où la justice n’est rendue que temporairement. La société étant ce qu’elle est, 100 fois sur le métier il faut remettre l’ouvrage, pour tous les hommes épris de morale, d’intégrité et de justice.

À placer dans la lignée des Canards en plastique attaquent de Brookmyre, Le diable et Daniel Silverman de Theodore Roszak, ou encore La confrérie des mutilés de Brian Evenson. Des romans qui questionnent le besoin de foi, prônent la raison dans la quête de vérité, et se méfient de l’irrationnel et ses dérives.

Larry Beinhart, L'évangile du billet vert, Gallimard/Série Noire, 2010, 20 euros, 377 p.

Bloc-note de la rentrée

lundi 2 août 2010


-> Après la déception Vendetta, vérifier si RJ Ellory est plus convaincant avec Les anonymes.

-> Surveiller l'arrivée d'une nouvelle française à la Série Noire, après Ingrid Astier voici Elsa Marpeau avec Les yeux morts.

-> Se procurer le nouveau David Peace Tokyo ville occupée chez Rivages.

-> Ne pas manquer le retour d'Elizabeth George, un plaisir jamais renié, avec Le cortège de la mort.

-> Patienter jusqu'à octobre pour découvrir le nouveau Carlos Salem chez Actes Noirs, Nager sans se mouiller.
 
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