Catherine Bessonart, Et si Notre-Dame la nuit...

mercredi 30 avril 2014


Après La Madone de Notre-Dame (Alexis Ragougneau), restons à Paris et aux abords de la cathédrale, avec un autre premier roman, Et si Notre-Dame la nuit...

Catherine Bessonart fait entrer dans le polar un nouveau personnage de commissaire « adulte désenchanté et solitaire ». Il boit, il vient d’arrêter de fumer et il a beau être divorcé sa femme tient encore une grande place dans sa vie. Sur un air classique, l’auteur réussit à insuffler l’originalité qui donne immédiatement envie de passer du temps en compagnie de ce roman. Chrétien Bompard a tout de ces personnages auquel on s’attache l’air de rien. D’ailleurs ses deux collègues Grenelle et Machnel le couvent souvent d’un regard attentif et préoccupé. Dans tout ça, la recherche du responsable des meurtres de femmes (qui ont le bon goût de n'être à aucun moment de ces cadavres atrocement mutilés) finit par n’avoir plus d’importance.

Les dialogues vivants et justes, les formules qui font mouche, l’humour et les images fortes emportent avec douceur. La filiation avec Vargas vient à l’esprit, mâtinée d’un soupçon d’Heinrich Steinfest. Dans les pas de Bompard, nous voilà en train de parler avec une nonne gouailleuse, ou de grimper les escaliers d’un immeuble parisien, sur les pas des traumatismes d’enfance, à saisir des images fugaces dans lesquelles se cache la solution.

" Lui, il s’accrochait avec obstination au fil fragile que lui tendait Chrétien junior, persuadé que l’enfant qu’il avait été était plus avancé, plus fort que l’adulte qu’il était devenu."

Si je travaillais dans une librairie, ce serait un coup à dessiner un petit coeur rouge sur un bristol, et peut-être même deux. Dieu nous garde.

Catherine Bessonart, Et si Notre-Dame la nuit..., L'Aube, 2013, 288 p. 19,90 €

Caroline de Benedetti

À toutes fins utiles, Jean-François Pasques

dimanche 27 avril 2014


L'univers romanesque de Jean-François Pasques est celui du quotidien d'un flic, le capitaine Goisset. Que ce soit au travers d'une garde à vue à la PJ de Paris (La bascule), ou comme ici avec le récit minutieux d'une enquête nantaise, le lecteur peut sentir le parfum de relations humaines idéalisées et le côté un peu désuet d'un temps qui n'a jamais existé. 

Dans la description des rapports entre le juge et sa secrétaire, dans le contact entre le flic et l'avocate, ou dans l'engagement de Goisset pour innocenter son collègue, il se dégage un portrait, celui d'un homme en quête de droiture et de confiance, de relations saines et simples.

Dans un roman écrit par un policier, les réflexions sur le métier prennent le poids de l'expérience. Difficile de ne pas imaginer l'auteur derrière le personnage ; le besoin de se libérer de certaines réflexions transparaît entre les lignes. Point récurrent chez les auteurs-policiers : ils soulignent une proximité entre leur travail à rédiger des constates, et celui de l'auteur : créer, c'était vivre une deuxième fois, corriger, mourir en avant-première. Pour Goisset, l'écriture devient une bouée pour ne pas sombrer, face à son travail de "chat noir" (comme le surnomment ses collègues) préposés aux suicides. Ce forcené sans espérance lutte contre la routine et la misère.

L'affaire que raconte Jean-François Pasques, le meurtre d'une jeune toxico liée à un flic des Stups, n'est pas la partie la plus intéressante. De scène de crime en vocabulaire technique livrés avec force détails, les éléments policiers ne retiennent pas vraiment l'attention. La matière première de l'auteur, c'est le facteur humain qui anime ses personnages. Les traumatismes d'enfance et les secrets de famille l'intéressent bien plus. De ce voyage au plus près du capitaine Goisset, il se dégage comme un rêve de gosse, une envie de justice et d'un monde où le bien triompherait. Une utopie ?

À toutes fins utiles marque la fin de la trilogie policière de Jean-François Pasques. Une fin brutale qui révèle sans doute le besoin de l'auteur d'en finir avec cet univers. Il sera intéressant de le retrouver dans des histoires plus distanciées.

Jean-François Pasques, À toutes fins utiles, Editions Ovadia, 2014.

Caroline de Benedetti

Mauves en Noir, édition 2014 quelques photos...

vendredi 25 avril 2014


Vendredi soir les premiers auteurs arrivent à Nantes pour une soirée off au Live bar avec l'association Lapins à Plumes. Alors que dans la salle certains lisent et disent des textes pas pour les enfants, d'autres s'initient au lancé de palet près des douves du château des Ducs de Bretagne. 


Le thème de la 13ème édition de Mauves en Noir est la Nationale 13 et les auteurs ont pu tâter des amortisseurs de divers véhicules. En voiture Simone... Hervé Sard, Jean-Jacques Reboux, Jean-Bernard Pouy, ou à moto avec Fred Paulin.





Au repas du samedi midi, le beau temps était de la partie et certains auteurs ont pris soin de se couvrir. Dress code : Mauve & Noir.


Le prix de la ville de Mauves sur Loire a été décerné à Raymond Castells pour Hôpital Psychiatrique. Une tâche difficile pour les jurés qui cette année encore étaient confrontés à 6 pépites romanesques.


Le monde arabe commence à se faire entendre dans le polar. Certains auteurs l'évoquent dans leur roman (Barouk Salamé, Frédéric Paulin, Antonin Varenne...), d'autres ont réussi à se faire éditer à l'étranger. C'est le cas de l'égyptien Ahmed Towfik, invité d'honneur du festival avec son roman Utopia


Autre invité d'honneur de cette édition : la Bande-Dessinée. Les deux dessinateurs Jules Stromboni et Jonathan Munoz nous ont régalés d'une battle de dessin sur les vitres de la salle du bar du Vallon. Sur le thème du "dessinez l'autre quand il était enfant" et avec des mots comme "mitrailleuse" et "masure" ; ils ont montré inventivité et complicité.


Faire découvrir des auteurs et leur donner la parole. C'est une des missions du festival. Avec Paul Fauray et Bernard Besson, la rencontre autour de l'espionnage a été passionnante.


Les Docteurs Polar étaient bien sûr de la partie. Munis de curieux flacons et d'étrange bocaux de médicaments, ils ont mis en garde à vue Robert Darvel, auteur et éditeur du magnifique Carnoplaste.


Dimanche midi, ambiance champêtre au Vallon : huîtres, muscadet et chili con carne pour digérer le gâteau nantais de la veille... L'accompagnement musical est proposé par le groupe Pagawan, la reprise de Riders on the Storm à la flûte traversière a beaucoup marqué Claire Le Luhern.


Cette édition 2014, passée trop vite au milieu des discussions, des dédicaces, du poker, de la musique, des livres, du public et des auteurs, fut remplie de beaux jeunes hommes et de femmes à hauts risques.



Der Zwerg (Petit Polar n°318)

jeudi 24 avril 2014


La série des Petits Polars du Dj Duclock continue dans les lieder avec Dietrich Fischer-Dieskau accompagné par Gerald Moore au piano pour un lied de Schubert. Im trüben Licht verschwinden schon die Berge, Es schwebt das Schiff auf glatten Meereswogen, Worauf die Königin mit ihrem Zwerge. Pour les non-germanophones, voici une tentative de traduction : Dans la pénombre les montagnes disparaîssent, le bateau flotte sur les vagues lisses de la mer, avec la reine et son nain. Le décor est planté, sachez que le nain jaloux va tuer la reine...


Force Of Evil (Abraham Polonsky, 1947)

mardi 22 avril 2014



I'm a big girl now, with a police record, thanks to you, and I know it's not wicked to give and want nothing back.

Joe Morse (John Garfield) a un but : gagner de l'argent et pour y parvenir il est prêt à tout. Son talon d'Achille est son frère ainé. Il l'aime, ce qui ne l'empêche pas de s'en servir. Et il entraîne tout le monde avec lui dans la corruption, tout en étant lui-même le rouage d'un homme plus puissant. Le scénario du film, imprévisible sur plusieurs points, et le choix des scènes pour raconter cette histoire sont surprenants. Une poésie plane sur les dialogues et sur certaines scènes (Joe Morse seul dans Wall Street, Joe et Doris Lowry (Beatrice Pearson) dans une voiture, Joe Morse qui descend sur la rive du fleuve...). La richesse des dialogues donne parfois l'impression un peu étrange d'être dans une pièce de théâtre.

Le parallèle avec tout un pan de la société américaine, son fonctionnement et la recherche frénétique de l'argent qui fait fi de toute morale est clair (corruption / mafia / capitalisme). Tous les personnages du film sont plus ou moins impliqués. Même ceux qui espèrent vivre honnêtement se fourvoient puisqu'ils travaillent pour le crime. La fin du film - qui arrive sûrement trop vite - est sans appel. 

Le film, sorti en 1948 aux USA, n'arrive qu'en 1967 en France (notez au passage que les commentaires de Bertrand Tavernier sur le bonus du DVD Wild Side valent le coup d'oeil). Abraham Polonsky, plus connu pour pour être le scénariste Body and Soul (1947), fit partie des cinéastes inscrits sur la liste noire lors du Maccarthysme. Force Of Evil est son premier film en temps que réalisateur. George Barnes, le directeur de la photographie, occupait cette place 8 ans plus tôt pour le Rebecca d'Alfred Hitchcock.

Caroline de Benedetti.


Force of Evil (1947), Abraham Polonsky, 78 min, MGM, Wild Side Film.
(Cet article est précédemment paru sur Duclock dans la rubrique cinéma)

Le 11 Avril c'est ce soir au LIVE BAR et les 12 & 13 Avril c'est demain à MAUVES EN NOIR

vendredi 11 avril 2014


Ce matin encore la salle du Vallon, qui accueillera les auteurs de la 13 ème édition de Mauves en Noir, était vide...


Il est tôt le matin et le coin de nature où les festivaliers et les auteurs aiment tant flâner, manger, boire un coup et discuter est désert. 


Mais, dans l'ombre, les équipes du salon préparent la fête...


Il y aura 31 auteurs, des livres, la nationale 13, moults animations (dont les Docteurs Polars avec leurs ordonnances fatalement salutaires), un bar, des repas, des huîtres, du muscadet, du Chili con carne, une librairie, des bouquinistes le dimanche, des dessinateurs de BD, des jeux (échecs, poker...), une tombola, des lectures, des tables rondes, des conférences, des gardes à vues, des rencontres... Et comme chaque année le monde va se diviser en deux parties : ceux qui seront à Mauves et ceux qui regretteront de ne pas y être allé.

Et ce soir Vendredi 11 Avril à 21 h pour l'ouverture du festival vous êtes convié à une SOIRÉE SLAM en présence de certains auteurs et de l'association Lapins à Plumes.

Toutes les informations sont disponibles sur le site MAUVES EN NOIR.


Waldmärchen (Petit Polar n°316)

jeudi 10 avril 2014


Waldmärchen est tiré de Das Klagende Lied un lied orchestral de Gustav Malher. Le passage choisi ici pour la collection des Petits Polars du Dj Duclock est le moment fratricide... Un jeune homme a trouvé dans la forêt la fleur rouge qui lui permettra d'épouser une reine qui repousse tous ses prétendants. Il l'accroche à son chapeau et se couche sous un saule pour se reposer. Il s'endort. Son frère ainé arrive, le tue d'un coup d'épée et s'empare de la fleur. Le cadavre du jeune frère est petit à petit recouvert par les feuilles de l'arbre...

Feux Rouges, Cédric Khan

mardi 8 avril 2014


Georges Simenon écrit Feux Rouges à Lakeville en 1953 lors de son exil aux États Unis d'Amérique. L'histoire se déroule sur le continent américain. 

Selon Pierre Assouline le livre failli sortir une première fois au cinéma à la fin des années 50. Simenon, qui est l'un des écrivains de polar le plus adapté au cinéma, travailla une dizaine de jours sur le scénario et le script. Le rôle principal devait être tenu par James Stewart ou Burt Lancaster. Les studios considérant que le personnage féminin n'était pas assez glamour, le film ne vit jamais le jour. À la fin des années 70 c'est Jacques Audiard qui s'y frotte, mais le film ne se fait pas non plus et c'est plus de cinquante ans après la rédaction du roman que Cédric Khan ramène l'action en France avec Jean Pierre Daroussin et Carole Bouquet dans les rôles principaux.

L'homme est obsédé par l'envie de "sortir des rails", fasciné par "la marge". La femme, plus posée, semble s'épanouir dans son travail. Tous les deux forment un couple "parfait" qui correspond bien aux personnages de Simenon. Le film traite finement des rapports homme-femme, de l'alcoolisme, d'une certaine attirance pour la marginalité, et de la vie de couple. La transposition du road movie en France fonctionne bien, ce sont les rapports entre les personnages qui font l'histoire de Simenon, pas le décor.
Emeric Cloche.

House On The Hill (Petit Polar n°314)

jeudi 3 avril 2014



La chanson House On The Hill parle de la vie dans un hôpital psychiatrique, un véritable roman noir chanté par un des spécialistes du genre le chanteur poète guitariste anglais Kevin Coyne.



Et n'oubliez pas votre Petit Polar n°313 du côté de chez K-Libre.

Black Cocaïne, Laurent Guillaume

mercredi 2 avril 2014


Avec son précédent roman, Doux comme la mort, Laurent Guillaume puisait dans son expérience de coopérant au Mali pour nourrir sa fiction. On y reste et on s'y acclimate avec Black Cocaïne. Mais nous disons adieu au personnage de Gabriel Milan, le tueur un poil outrancier (impitoyable et tatoué) de la première histoire. Bienvenue à Solo Camara le franco-marocain : un détective privé métis parmi les Noirs, plus intéressant car moins monolithique que son prédecesseur.

Le Mali est pour beaucoup d'entre nous un pays méconnu, lointain, évocateur de musique et devenu plus récemment un sujet d'actualité, associé à la violence, à la corruption et au terrorisme. Rien de faux, mais il manque beaucoup de nuances. Ce roman ne prétend pas en apporter, plus versé sur l'ambiance que sur la géopolitique. Des indices émaillent cependant les pages, entre les rues de Bamako, les ouvriers chinois sur les chantiers, le Sahel, le fleuve Niger, les fonctionnaires, le vent et la chaleur, le poisson... Le cadre du roman est ainsi plus qu'un décor.

(...) je considérais le bâtiment qui, bien que datant tout au plus de deux ans, semblait avoir été construit dans les années soixante-dix. Les Maliens réussissaient le tour de force de construire directement de l'ancien.

Solo Camara a souffert. Comme ses prédécesseurs romanesques, de Philip Marlowe à Lew Griffin, il y va franchement sur l'alcool, éventuellement sur les femmes et sur la coke. Il se sort de situations désespérées de façon miraculeuse et spectaculaire. Trop ? La violence des situations reste cohérente avec le personnage et l'histoire. Aux côtés de Solo, on trouve un pote Libanais et un garde du corps Serbe. L'internationale du crime passe par l'Afrique, comme le montre cette histoire de trafic de drogue, tiré d'un fait divers. La passeuse de came qui finit en cadavre est venue de sa banlieue française, et les gros bonnets sont des membres du gouvernement appuyés par des intermédiaires internationaux, arabes et colombiens.

"Je ne suis pas un tueur" se défend le détective. Mais la violence est question de circonstances. Si la femme fatale ne réussit pas à faire de Solo son bras armé, la mort de son vieil ami le décide. Une fois les beaux principes énoncés, il reste le cas pratique. Comme c'était le cas dans Doux comme la mort, la vengeance est la motivation. Aucune blanche colombe dans ces pages, mais des actes et des personnes entraînées dans la violence. L'auteur montre la banalité du crime, sans assassin spectaculaire ni complot machiavélique, par la simple présence d'intérêts économiques. Comme le dit le proverbe "La douleur est un conseil", et le héros doit savoir s'arrêter à temps pour conserver ce qu'il lui reste d'humanité. Un des dilemmes moraux du roman noir, qui n'a ni frontière ni nationalité.

Laurent Guillaume, Black Cocaïne, Denoël Sueurs Froides, 2013, 17 €, 256 p.

Caroline de Benedetti

Angoisse (Bigas Luna, 1987)

mardi 1 avril 2014


Resté longtemps introuvable en France, le film du designer, peintre photographe et cinéaste Bigas Luna est enfin disponible en DVD et Blue Ray chez Filmedia. Il est mieux de ne rien savoir de ce film avant de le visionner. Expérimental, hypnose, couleurs, baroque sont les premier mots qui viennent en tête pour en parler sans en parler. Angoisse est un film oppressant à tous les niveaux : musique, scénario, jeux d'acteurs, façon de filmer... Il est à ranger à côté de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960), Le Voyeur (Michael Powell, 1960) et Délivrez-nous du mal (Ode Bornedal, 2009).
Il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter une bonne séance de cinéma.

Emeric Cloche.

 
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