Black Cocaïne, Laurent Guillaume

mercredi 2 avril 2014


Avec son précédent roman, Doux comme la mort, Laurent Guillaume puisait dans son expérience de coopérant au Mali pour nourrir sa fiction. On y reste et on s'y acclimate avec Black Cocaïne. Mais nous disons adieu au personnage de Gabriel Milan, le tueur un poil outrancier (impitoyable et tatoué) de la première histoire. Bienvenue à Solo Camara le franco-marocain : un détective privé métis parmi les Noirs, plus intéressant car moins monolithique que son prédecesseur.

Le Mali est pour beaucoup d'entre nous un pays méconnu, lointain, évocateur de musique et devenu plus récemment un sujet d'actualité, associé à la violence, à la corruption et au terrorisme. Rien de faux, mais il manque beaucoup de nuances. Ce roman ne prétend pas en apporter, plus versé sur l'ambiance que sur la géopolitique. Des indices émaillent cependant les pages, entre les rues de Bamako, les ouvriers chinois sur les chantiers, le Sahel, le fleuve Niger, les fonctionnaires, le vent et la chaleur, le poisson... Le cadre du roman est ainsi plus qu'un décor.

(...) je considérais le bâtiment qui, bien que datant tout au plus de deux ans, semblait avoir été construit dans les années soixante-dix. Les Maliens réussissaient le tour de force de construire directement de l'ancien.

Solo Camara a souffert. Comme ses prédécesseurs romanesques, de Philip Marlowe à Lew Griffin, il y va franchement sur l'alcool, éventuellement sur les femmes et sur la coke. Il se sort de situations désespérées de façon miraculeuse et spectaculaire. Trop ? La violence des situations reste cohérente avec le personnage et l'histoire. Aux côtés de Solo, on trouve un pote Libanais et un garde du corps Serbe. L'internationale du crime passe par l'Afrique, comme le montre cette histoire de trafic de drogue, tiré d'un fait divers. La passeuse de came qui finit en cadavre est venue de sa banlieue française, et les gros bonnets sont des membres du gouvernement appuyés par des intermédiaires internationaux, arabes et colombiens.

"Je ne suis pas un tueur" se défend le détective. Mais la violence est question de circonstances. Si la femme fatale ne réussit pas à faire de Solo son bras armé, la mort de son vieil ami le décide. Une fois les beaux principes énoncés, il reste le cas pratique. Comme c'était le cas dans Doux comme la mort, la vengeance est la motivation. Aucune blanche colombe dans ces pages, mais des actes et des personnes entraînées dans la violence. L'auteur montre la banalité du crime, sans assassin spectaculaire ni complot machiavélique, par la simple présence d'intérêts économiques. Comme le dit le proverbe "La douleur est un conseil", et le héros doit savoir s'arrêter à temps pour conserver ce qu'il lui reste d'humanité. Un des dilemmes moraux du roman noir, qui n'a ni frontière ni nationalité.

Laurent Guillaume, Black Cocaïne, Denoël Sueurs Froides, 2013, 17 €, 256 p.

Caroline de Benedetti

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